samedi 7 mars 2009

Sur le pont d'Avignon


















Depuis l'hymne "Sur le pont d'avignon on y danse, on y danse..." Pont et chanson sont indissociables! Voilà le postulat un peu intempestif que je lance ce soir!

Non, plutôt, je propose un hommage à Mister Church-Costa, grand amateur de passerelles et autres ponts entre art, politique et économie, pour évoquer ou mieux encore illustrer l'incroyable diversité et débauche de créativité des affiches de concerts. A l'heure où la musique se digitalise et les ventes de CD plongent, les groupes doivent se réapproprier une identité visuelle souvent disparue, à grand coups de Tshirt, badges et autres totebags. Les salles font plus que jamais partie de ce renouvellement, et les "gigposters" foisonnent de l'autre côté de l'Atlantique, accompagnant les tournées des groupes dans chaque ville, où telle et telle salle de Philadelphie à Seattle en passant par San Francisco a son style, sa "marque de fabrique" etc....

Voilà une immense farandole de chouettes affiches de concerts!
Et quelques liens pour récupérer la myriade de visuels regroupés sous différentes catégories: bands, venues, cities, designers etc... (je me suis contentée d'un camaieu d'orange pour ce post, mais toutes les couleurs sont présentes, ce site est une boîte de pandore!)


http://www.gigposters.com/index.php
http://www.gigposters.com/designerposters/17592/49_Furturtle_Printworks.html
http://www.gigposters.com/bandposters/9388/1_Arcade_Fire.html
http://www.gigposters.com/bandposters/68250/1_Liars.html
http://www.gigposters.com/bandposters/29600/1_Sufjan_Stevens.html
http://www.gigposters.com/designer/10945_The_Small_Stakes.html

Sur le pont de Munch


Après ce retentissant poème exaltant les affres existentielles, je me suis donc remémorée ce fameux scream munchien, très associé à l'idée du pont! C'est drôle la plupart des gens se focalisent sur le visage torturé du personnage, alors que moi ce qui m'a toujours le plus marqué c'est l'angoisse absolue du mec, complètemment isolé au premier plan, alors que deux silhouettes le suivent de loin, anonymes et impénétrables, et que le contact paraît impossible. Je me suis toujours demandé si le fait qu'il soit en train de marcher sur un pont était un premier élan suicidaire ou simplement une coïncidence. Dans ma tête y a la "vignette" suivante où l'homme regarde l'eau, puis une troisième où il plonge.

En même temps on dirait qu'il tourne le dos à la rivière et qu'il a pratiquement franchi tout le pont, donc qu'il est résolu à continuer à affronter la douleur et ohohohhoh ça y est je me lance: "l'aliénation" (on a pas encore écrit le mot "aliénation" sur ce blog je crois!!!!)
Alors, Le Cri, tableau optimiste???? Tableau sur la "résilience"?
Moi je trouve qu'il y a un côté très Cyrulnik dans cette scène!!!!!

Bon, avant de terminer ce post par un grand n'importe quoi, je préfère me garantir quelques faits précis et non interprétatifs, tirés de wikipedia:
Le paysage au fond est Oslo, vu depuis la colline d'Ekeberg.
Munch aurait conçu ce tableau à partir d'une "expérience-limite" (ça c'est mon expression!)

« Je me promenais sur un sentier avec deux amis — le soleil se couchait — tout d'un coup le ciel devint rouge sang — je m'arrêtais, fatigué, et m'appuyais sur une clôture — il y avait du sang et des langues de feu au-dessus du fjord bleu-noir et la ville — mes amis continuèrent, et j'y restais, tremblant d'anxiété — je sentais un cri infini qui se passait à travers l'univers. »

Selon Donald Olson, professeur d'astrophysique à l'université du Texas, ce coucher de soleil d'un rouge flamboyant, était vraisemblablement provoqué par les cendres émises lors de l'explosion du volcan Krakatoa en 1883


Rougeurs crépusculaires produites lors de l'éruption du Krakatoa.

J'ai aussi appris qu'une version "tempera sur carton" du tableau avait été réalisée selon une technique quasi ancestrale:

La tempera (tempera all'uovo) est la principale technique de peinture d'art utilisée depuis des temps immémoriaux, notamment en Égypte, puis par les peintres d'icônes byzantines, puis en Europe durant le Moyen Âge. C'est un procédé de peinture utilisant le jaune d'œuf comme médium pour lier les pigments. On l'utilise sur du plâtre ou sur des panneaux de bois recouverts de nombreuses couches de « levkas ». Parfois d'autres substances comme le lait, le miel ou diverses gommes végétales ont été aussi utilisées comme médium.

On utilise un enduit à base de craie ou de plâtre lorsqu'il s'agit de peindre sur un panneau en bois ou sur une paroi murale. Au XVe siècle cette technique était aussi utilisée sur toile.

Quand la peinture à l'huile fut inventée vers la fin du Moyen Âge, la tempera continua encore à être employée pendant un certain temps en tant que sous-couche recouverte par un vernis à l'huile translucide ou transparent.

Cette technique transitoire mixte fut suivie par une technique de peinture à l'huile pure, qui remplaça presque totalement la tempera au XVIe siècle.

Le terme « tempera » est également employé actuellement par quelques fabricants pour désigner la peinture ordinaire utilisée pour des affiches et qui est une forme bon marché de gouache (peinture à l'eau opaque) qui n'a rien à voir avec la véritable tempera à l'œuf.

Voilà, "C'est tout ce que j'avais à dire", ou plutôt "That's all I have to say about that"pour reprendre une citation du très oscarisé Forrest Gump, en ces temps de récompenses pléthoriques, qui me revient soudainement en tête. Y aurait-il une course folle sur un pont dans le film? J'arrête ce post sur cette interrogation-transition!

lundi 2 mars 2009

Transition tchèque

Des ténèbres de la nuit surgit soudain le thème du pont. Et de la torpeur est-européenne se réveille alors le poète Vítězslav Nezval. Qui est-il ? Le phare de l'école poétique tchèque ! Il a débuté en 1922, dans le groupe qui se donnait le titre de Devětsil (Les Neuf forces, nom tchèque d'une fleur de printemps : Pétasiles), par le recueil Le Pont, dont le titre exprimait sa conception de la poésie qui est un pont entre le subconscient et le conscient, entre la réalité et le souvenir.

Extrait :

Poèmes à la Nuit

Edison

I

Notre vie est telle qu'un pleur morne et terne.
Un joueur sortait un soir de la taverne,
La neige poudrait les ostensoirs des bars,
Le printemps était proche en l'aire moite épars,
Mais la nuit frissonnait comme une prairie
Sous les éclats d'une australe artillerie
Qu'écoutaient à table, aux bancs crasseux figés,
Les buveurs d'alcool sur leurs verres penchés
Et des femmes vêtant leurs corps presque nus
De plumes de paon, tous par le soir émus.

Un poids lourd qui écrase pesait là sur le sort,
Spleen, tristesse, angoisse de la vie et de la mort.

Rentrant par le Pont des Légions, tout bas
Je chantais pour moi seul des airs d'opéras,
Buveur de feux nocturnes aux barques fantomales
Minuit était tombé de la cathédrale.
Minuit, heure de mort, étoile à mon horizon
Dans cette nuit douce de l'avant-saison.

Mais un poids qui écrase pesait là sur le sort,
Spleen, tristesse, angoisse de la vie et de la mort.

Par-dessus le parapet je vis une ombre,
Une ombre d'homme plongeant au néant sombre,
Mais là quelque chose était lourd et pleurait,
L'ombre triste d'un joueur que l'enfer attirait.
„Qui, dis-je, êtes-vous, Monsieur ? Dieu vous pardonne !”
Il répondit lugubre : „Un joueur, personne.”
Là pesait un chagrin lourd qui se taisait.
Une ombre comme un gibet qui se dressait,
Une ombre tombant du pont. J'ai fait : „Ah !” Puis, livide :
„Non, tu n'es pas un joueur, tu es un suicide.”

Nous marchions tous deux sauvés la main dans la main,
Main dans la main nous marchions rêveurs sans frein,
Hors la ville où le faubourg de Kochir commence,
Au signal des éventails de la nuit dense,
Par-dessus bals, kiosques, bars, tristes lieux,
Nous marchions main dans la main silencieux.

Mais un poids qui écrase pesait là sur le sort,
Spleen, tristesse, angoisse de la vie et de la mort.

J'ouvris la porte, allumai le gaz, du geste
Offris à l'Ombre ma couchette modeste :
„Monsieur, dis-je, à nous deux cela peut suffire.”
L'ombre du joueur avait fui sans mot dire,
Songe illusoire ou spectre ? je n'en sais rien,
J'étais seul devant mon lit quotidien.

Mais un poids qui écrase pesait là sur le sort,
Spleen, tristesse, angoisse de la vie et de la mort.

De ma table où s'entassaient journaux et livres,
Je regardai par la fenêtre le givre
Et les neigeux flocons tresser leurs couronnes
Avec ma chimère et mon spleen monotones,
Buveur de nuances que jamais l'on ne saisit,
Buveur de lumière qui dans l'ombre s'engloutit,
Buveur de femmes, du rêve et des serpents maîtresses.
Buveur de femmes, fossoyeuses de leur jeunesse,
Buveur de femmes, belles, cruelles, hasardeuses,
Buveur de volupté, de sang, d'écumes fielleuses,
Buveur de tout ce qui est cruel, écrase, mord,
Buveur d'épouvante et de pleurs, de vie et de mort.

Je me dis : „Il faut vite oublier les ombres.”
J'ouvre les journaux dont ma table s'encombre,
Parmi les relents d'encre grasse apparaît
Edison l'inventeur, émouvant portrait
Qui évoque à mon esprit la noble image
D'un prêtre en simarre comme au Moyen Âge.

Le poids écrasant du Beau pesait là sur le sort.
Courage, allégresse de la vie et de la mort.
(traduit par F. Baumal et J. Palivec)

dimanche 15 février 2009

Bedtime stories


"Quand tu es couché, es-tu conscient qu'au-dessus de toi des étoiles disposées au hasard contemplent l'univers ?"
Werner Herzog dit ça dans Fata Morgana. Tex Avery, lui, dit autre chose à travers une cascade de courses poursuites hystérico-libidinales by night. On admirera entre autres le transport rétractable limousine/smart du grand méchant loup.


samedi 14 février 2009

"Les pirates de la route"


Voilà comment une traduction française ruine le mystère d'un titre. Je m'imaginais acheter un billet pour "they drive by night", sentiment de noirceur, d'aventure, qui sont ces "they"? Qui est cette femme en rouge, nimbée de bleu? Qui partage le volant avec Humphrey, la main nonchalament, négligement posée sur son épaule? Tant de questions que le prosaïsme français massacre avec un plat "Les pirates de la route" et ses camions qui semblent défiler en boucle!!!

Il sera donc toujours question de voiture ou de tout autre engin qui permet de se déplacer la nuit! Train, moto, side-car, pieds et mocassins, la liste est longue!

On commence avec l'immense Marty, qui se livre à un chouette cameo dans le bien nommé Taxi Driver. Barbu et agressif, il monte à l'arrière du yellow cab de Travis Bickle pour un angoissant face à face, ou plutôt ici un "dos à dos". Scorsese joue un psychopate prêt à tuer l'amant de sa femme et balance un mémorable: "I bet you must think I'm pretty sick". A noter, de Niro ne dit rien à part un "Yeah" de circonstances, la musique et ses yeux parlent pour lui.



Ces dans ces moments là que mon euphorie Youtube prend des proportions extravagantes! A la minute où j'écris je viens de regarder la série de storyboards associés à chaque grande scène du film, présentés de manière ultra didactique et sobre à la fois!



Sans transition et dans la série "improbable" je demande Winona Ryder en chauffeuse de taxi à casquette à l'envers, cheveux gras et mâcheuse de chewing gum! Mais surtout, c'est le duo qu'elle forme avec GENA- meilleure actrice du monde- Rowlands qui takes my breath away. On passera sur le dialogue qui ne passionnera pas les foules, et qui me fait humblement me demander si la réputation de Jarmusch n'est pas un brin usurpée sur les films à sketch! Dans le genre concentrons nous sur l'anecdotique, on appréciera particulièrement le tailleur black & white de Gena, inspiration pour les prochains cocktails de Roselyne Bachelot! Sinon, en tant que martyphile, je me demande si la blague est pas un peu appuyé niveau hommage... Vers 4min, l'insert clope à l'oreille dans le rétro m'enchante, et la musique aussi! Sinon, ne pas hésiter à passer l'extrait en accéléré...



Ah, mais qui dit voiture et nuit, invite inévitablement à envoyer un extrait de Mulholland Drive! J'ai opté pour a "secret path" parce qu'à ce moment précis du film les nerfs du spectateur qui découvre le film pour la première fois sont totalement mis à l'épreuve, et ceci, contrairement à la sublime ouverture du film version Laura Harding, où on est juste en train de s'acclimater à l'ambiance. Les deux sont orchestrées par l'auguste Badalamenti.


Enfin, pour terminer, je propose en boutade cette scène d'Annie Hall qui fait ma joie, où Christopher Walken aka Dwaine se confie à Alvy Singer (Woody Allen ) et lui raconte ses angoisses sur la route la nuit. Le payoff est juste parfait!!! Ah si Woody pouvait ressusciter son inspiration late 70's!