vendredi 28 mars 2008

no comment!

nicholas ray of light

J'ai toujours été intriguée par le culte qui entoure les films de Nicholas Ray. Je n'ai jamais vu ne serait-ce que "La fureur de vivre" qui a paraît-il relativement mal vieilli. Du coup, cet extrait des "Amants de la nuit" tombe à pic pour découvrir son univers.



Premières impressions: une voiture qui fonce droit au vent sur le macadam (cowboy), en plongée sur des personnages qui nous tournent le dos. La chemise d'un des passagers voltige avec le vent, et la force centrifuge! J'ai remarqué un cut dans le mouvement puisque la voiture avance jusqu'au bord du cadre, avant de s'engouffrer dans un carrefour, et d'être soudainement poursuivie par un autre véhicule au démarrage du plan suivant.

Mais la course poursuite tourne court. On est pas dans un "western movie" où les chevaux seraient remplacés par des engins mécaniques. L'affontement tourne court pour une raison que je ne m'explique pas vraiment. Je m'attendais à une suite de carambolages, de plans de coupe sur le visage crispé du conducteur, les phalanges accrochées vigoureusement au volant d'un bolide incontrôlable. Je pensais que les autres sortiraient vaillamment leur gun pour riposter, et qu'il y aurait des balles dans le pare-brise, et des dérapages dans un fossé!

L'attaque du type est aussi efficace que fugace. Il est rué de coup (que les bruitages boum boum évoquent avec subtilité...) sous le regard hors champ du personnage que l'on imagine principal.
On se croirait encore sous les strictes directives du code Hays, puisque seul son air désemparé, et le détachement viril des deux acolytes sont censés nous indiquer que le type est mort, ou en tout cas sérieusement amoché. Ils le balancent comme un vieux chiffon à l'arrière de la voiture, et se remettent en route.

Le plan de grue qui tournoie au dessus du grand billboard de la route est majestueux, et découpe cet espace américain à la perfection. La pin-up publicitaire nous replonge dans l'esthétique coca-cola des 50's, et apparaît en plein désert comme une incarnation de la "nouvelle frontière". Dans cet univers uniquement masculin, représenterait-elle la part de douceur vers lequel ils devraient tendre pour abandonner leur sauvagerie? D'ailleurs, le personnage principal ne tombe-t-il pas juste après avoir franchi le panneau, montrant ainsi une forme de vulnérabilité?

D'un point de vue purement scénaristique, on peut cependant se demander si cette chute est authentique, ou si elle était préméditée afin qu'il se retrouve seul pendant que les autres accomplissent leur mission. J'ai d'ailleurs été un peu surprise par leur absence de réaction, d'énervement, et leur facilité à accepter de le laisser en arrière.

Deuxièmes impressions: Le personnage principal enlève son pull, et le jette sur la route, c'est alors que sa chemise attrape le vent. Pourquoi s'en débarrasse-t-il?
Aucune explication ne nous ait fourni pour le passage à tabac du pauvre quatrième larron. Remarque il était déjà assis "à la place du mort" c'était prémonitoire! Seule rationale donnée à cet acte gratuit: "you talk too much". Ironie du sort, il n'a même pas le temps d'éructer un mot pour se défendre, que les deux petites frappes lui tombent à bras raccourcis.

On remarque aussi que le "personnage principal" lui jette à regret un dernier regard avant de suivre les complices. J'ai été particulièrement sensible à l'expression de son visage car à part le moment où il est témoin des coups, l'extrait ne présente que des dos, ou des gens en pieds, vaguement de profil, sans que l'on puisse vraiment déchiffrer leurs traits.

La deuxième fois, j'ai constaté que le plan de grue comprenait surtout un plan général très dépouillé sur un grand champ sur lequel se découpent les silhouettes en marche du trio. Le spectateur est d'abord perturbé car la notion de temps écoulé et d'espace parcouru sont brouillés. Viennent-ils de quitter l'emplacement de la voiture, ou ont-ils déjà parcouru la moitié d'un état? Je penche quand même pour la deuxième solution puisque le "chef" dit à celui qui s'écroule qu'il devrait mettre les phares s'il reste seul.

j'ai aussi remarqué que la Pin-Up est une autre manière de contourner les derniers remparts du code Hays, qui semble être encore en vigueur. Si les actrices devaient éviter de se dévoiler, la photo publicitaire permet de distiller une sensualité trouble sans que la censure ne s'insurge. En effet, telle qu'elle est présentée ici, elle fait intégralement partie du décor, et de ce fait n'est même pas évoquée ou impliquée dans l'histoire.

Enfin, j'ai le sentiment que le pare-brise de la voiture, dans l'angle duquel s'éloignent les 3 compères, devient une réinvention de l'écran de cinéma. En effet, ils semblent marcher dans le lointain, reprenant ainsi les codes du lonesome cowboy quittant les siens pour entreprendre de nouvelles aventures.

D'ailleurs, c'est peut être pour cette même raison que le panneau publicitaire prend tout à coup beaucoup plus d'importance. Il marque la rupture de cet équilibre, et réenferme les personnages.
L'échappée dans l'espace infini des Hautes Plaines (?) est en réalité encadrée par le plan pare-brise précité, d'un côté, et par le billboard de l'autre.

samedi 22 mars 2008

jumping jack



la vidéo, puis l'abalyse, si ça c'est pas du buzz....
toute accusation de plagiat serait malvenue, dans la mesure où moi je vais vraiment la faire cette analyse....

"Miraline" go ahead, je trouve qu'il n'y a pas des milliers de commentaires à faire, c'est juste une belle scène de ralenti, et d'introduction des personnages.
et la musique....

"it was lovely music playing in my head"

2è vision, 2è commentaire.
J'essaie d'appliquer tant bien que mal les conditions de l'exam...

J'ai de nouvelles références qui ont envahi ce second visionnage. Sans fausse modestie, je suis assez contente de l'avoir "choppé" comme ça, même si c'est très à côté de la plaque. Le moment où Georgie tombe dans les flots m'a fait pensé à un tableau de Turner version couleurs pastel. Si si je vous promets, y a une seconde de plan sur la Tamise, avant qu'il ne chute vraiment, où on a l'impression d'être transporté dans un tableau de l'artiste, sans le côté tempête maritime je vous l'accorde.
2ème référence beaucoup plus pop culture et évidemment postérieure. J'ai été très marquée par "the lion king"" petite et j'ai remarqué à quel point le contre plongé d'Alex tendant la main à Georgie comme pour le sauver, pour mieux le trahir en le blessant sauvagement avec son couteau, avait inspiré les créateurs du dessin animé! Scar fait aussi semblant de vouloir venir en aide à son frère, pour mieux le jeter dans le vide et assouvir sa vengeance. D'alleurs, Scar veut dire cicatrice, et le pauvre Georgie est scarifié avec cette blessure....... pfff, oui je sais....... c'est très tiré par les cheveux.... mais ça m'amusait de partir en vrille.
En plus, dans les deux extraits, il y a lutte de pouvoir et tentative de conquête et reconquête de l'autorité!

Sinon, comme je suis un peu obsédée par le montage en ce moment, j'ai remarqué que les trois scènes étaient vraiment intercalées de manière abrupte au sein de cette même séquence. je pense que le choix du youtubeur de les regrouper comme ça est un peu approximatif. Je ne suis pas sûre que ça soit vraiment pertinent. "Il n'en reste pas moins vrai" comme disait ma prof d'éco de terminale, que Kubrick choisit de les enchaîner sans aucune velléité de transition fluide. On est surpris de se retrouver d'un coup en extérieur, puis dans ce bar rouge boisé géométrique. (je veux trouver un bar comme ça!!! c'est ma nouvelle quête! surtout, la moquette est divine! vous avez remarqué que les bars dénigrent la moquette? Il faut réhabiliter l'esprit moquette)

P.S: si vous avez des doutes sur "le roi lion" regardez cet extrait! Ah, la poursuite des hyènes qui foncent sur Simba est une des plus belles scènes d'action au monde! peut être en concurrence avec les dinosaures de Jurrasic Park.... Bref, la mort de Mufasa est un sommet de cruauté!C'est à la toute fin de l'extrait si vous êtes pressées.
http://youtube.com/watch?v=vdjn_85h1Ow


Au fait, je me demandais s'ils n'allaient pas créer la surprise en mettant une scène d'animation?
ça serait intéressant de glisser quelques séquences de Persepolis, Chihiro et Kirikou, non? voire même Shrek?

ralenti vieilli

Ah, le grand retour de la voix off. Alex et sa troupe marchent le long de la Tamise. Une musique retentit. Orchestrale. Solennelle. Avec des petits mouvements cinglants et répétitifs. Une sorte d' allegro, enfin je crois, c'est là où je me dis qu'un récap de base sur la musique classique ne serait pas inopportun....

Bref, j'ai eu un petit moment de "ahahaha, Kubrick est diaboliquement brillant" quand Alex dit tout à coup que la musique jouait dans sa tête (traduction simultanée un peu aléatoire je vous l'accorde) et donc, ces accords que l'on croyait naïvement extradiégétiques, deviennent soudainement incorporés à cet acte de brutalité épaisse. C'est assez génial. Transformer cette musique censée élever les esprits, jouée dans des salles de concert, des églises, dans la "bonne société" en B.O de l'ignoble avec un tel panache, c'est exactement ce qui sépare cette scène d'un "happy slapping" version 60's.
Ce qui est étonnant aussi, c'est que le ralenti est en contradiction formelle avec le rythme plutôt enlevé et rapide du morceaux. Pourtant, ils s'approprient l'un l'autre avec une évidence absolue.

Ce qui me paraît moins évident, c'est le ralenti lui même. En revoyant ces images, j'ai été frappée par cette lenteur, et je me demande si la scène n'aurait pas été plus effrayante encore si elle s'était déroulée de manière réaliste. Ou alors, le ralenti sert à nous faire partager les choses telles qu'Alex les vit et les ressent à ce moment précis, comme si tout se déroulait de manière fragmentée, seconde par seconde, où le temps s'étire et où chaque micro geste prend une importance considérable. Ainsi, qu'est-ce qui fait que d'un instant à l'autre une irrépressible envie de jeter ses deux compagnons dans l'eau glaciale du fleuve s'empare de lui?
Kubrick se défie d'explications psychologisantes, et je ne vais pas sombrer dans cette pente non plus.

Pour revenir sur le 4è larron condamné au hors champ, il fait ici une spectaculaire incursion à un moment. Je ne sais pas si vous avez remarqué son bond, il est un peu le Tigrou de la scène! Par ailleurs, le fait qu'Alex ne le balance pas dans l'eau est presque un signe de son désintérêt pour le personnage. Cette absence de châtiment semble marquer son indifférence. Qu'est-ce que vous en pensez?

Sidenote, même si je ne m'attarde pas sur l'ultime transition "scène du bar", je tiens à dire à quel point j'aime ce décor. Je ne sais pas si vous avez également remarqué la manière avec laquelle Kubrick s'attache à filmer la première pièce, comme pour nous insérer dans l'atmosphère du lieu, avant de se concentrer sur les "voyous"!

2è sidenote: que penser de ces espèces de coques ridicules et surdimensionnées, sortes de couches culottes pour escrimeurs? "Mirlaine" je suis sûre que tu as une explication freudienne à nous livrer!

big big big money.....

"Mirlaine" j'ai décidé de te venir en aide!
Voilà le fameux extrait format vidéo sur notre blog.
"Croque mitaine" (c'est tellement étranges ces alter egos...) j'exige que ton escapade bretonne soit au moins compensée par trois messages et commentaires sur ce vénérable espace d'expression pas encore fliqué par Nicolas Princen.....

lundi 17 mars 2008

le "e" de Kubrick!

Thank you dear pour cet extrait qui me ravie et me terrifie à la fois. Je précise que j'avais totalement oublié ce passage, et qu'à la seconde où ce que j'appellerai désormais la "séquence à la fresque" ou "the fresco sequence" (ça sonne tellement plus snob et burgessien d'un coup!) s'est terminée, et qu'on se retrouve le long de la rivière là j'ai stoppé, car je refusais purement et simplement de revoir Alex les frapper et les balancer à l'eau.
Je ne manquerai pas de l'analyser, mais ensuite!
Je préfère me concentrer sur cette "fresco sequence" qui est déjà suffisante en terme de bidouillage mental!

Je la trouve tout d'abord frappante de théâtralité. Tous les personnages semblent figés, chacun attendant de prononcer leur réplique comme un chorus grec. Chacun paraît avoir également un rôle prédisposé à incarner: le bouffon, le sage, l'idiot, le mec qui reste dans le décor et qui ne sert à rien, à tel point que cinéma oblige, il passe hors champ! C'est vrai que j'ai même oublié jusqu'à sa présence, à part à la toute fin quand tout à coup je me suis dit: "mais où est-il passé? pourquoi une telle disparition?" en fait ce quatrième larron c'est un peu le "e" de georges Perec.
Non seulement il est condamné à l'inexistence physique, mais le metteur en scène ne lui laisse même pas la possibilité de s'exprimer en off. Le bonhomme est tout simplement annihilé.

Le coeur de la scène s'articule autour du trio et du va & vient dialogué entre Alex et ses acolytes qui subissent ses assauts conceptuels et son verbiage châtié. Cette bulle langagière crée un effet de distanciation immédiat qui fait que deux réactions plus ou moins simultanées s'imposent aussitôt au spectateur: le "je ne vais même pas essayer de comprendre ce charabia, du coup je suis beaucoup plus sensible à l'image- heheeheh éternelle contraste entre "poids des mots" ou "choc de la photo"!- ou au contraire, le " mon dieu que disent-ils je vais essayer de décoder, et du coup, je me laisse complètement embobiner au point de ne plus rien "capter" au passage des images". Kubrick a-t-il l'intention de nous enfermer sciemment dans l'une ou l'autre de ces postures? Espère-t-il nous permettre d'accomplir notre propre dialectique pour construire librement le sens de cette scène? Ou veut-il nous exclure à notre tour, et nous livrer une vision tristement parcellaire, où l'on se sent forcément subergée?

D'ailleurs, l'impression d'être écrasée est à relier avec un des premiers raccords regards d'Alex, qui nous sort enfin de ce long plan d'ensemble fixe, bleuté et irisé de lumière blanche limite blafarde.
Tels des statues dans une galerie du Louvre, admirablement réparties, les acteurs paraissaient englués dans leur fauteuil. Le spectateur, lui, était soumis à cette désagréable sensation d'être assis au premier rang de l'orchestre, passivement, et d'attendre que le spectacle commence pendant les premières minutes de la scène 1 de l'acte I un peu laborieuse, où le personnage principal fait son apparition avec le moins de naturel possible.

Ecrasé donc, car ce premier raccord regard transmet un véritable malaise, comme si les droogs allaient se transformer en passe muraille et traverser la fresque. Ils sont complètement rencognés dans cet espace. La fresque rappelle un décor de théâtre. Ses inscriptions, qu'on n'hésiterait pas à appeler graphs ou tags aujourd'hui ressemblent aux textes obscènes qu'on trouve bizarrement dans les toilettes des bibliothèques publiques, les messages racistes en moins. Ainsi, les deux compères se retrouvent absorbés, "au pieds du mur"par des "bulles" vaguement trash. Du "If it moves, kiss it" à "suck it and see" on est assez éloigné des longs monologues de "la philosophie dans le boudoir". Ce qui m'intrigue, c'est que cette discussion pourrait avoir lieu n'importe où, et que ni les trublions d'Alex, ni l'anti-héros (anti-éros?) himself n'ont l'air de s'être approprié cet endroit. Le mur est là, comme invisible, ne choquant ni n'intéressant aucun des condisciples.

Les boutons sur le menton et le grain de "mocheté" des deux caids sont en revanche bien visibles. Les contre-plongées et plongées sur leur visages sont particulièrement sordides. Leur peau luisante ne nous laisse aucun répit. Kubrick, ou Alex? nous refusent le contre-champ sur notre orangeur favori. Ce plaisir pervers est réhaussé par le fait que lorsqu'on a enfin accès aux traits de Malcom McDowell, celui ci apparaît surtout comme un archange à la beauté maléfique. Le regard flasque et terne des deux amis contraste avec les yeux bleus perçants d'Alex. De plus, sa rupture du fameux "Fourth wall", se tournant tout à coup ostensiblement vers la caméra, donc vers le spectateur, est perçue comme plutôt agressive, comme s'il nous provoquait en nous enjoignant à venir participer à la future débauche. Son regard, goguenard et complice à la fois, déroute. On a tout à coup l'impression d'être rappelé à l'ordre. Dans le même temps, c'est aussi une sorte d'appel à témoin.
Là encore, cette fausse proximité avec le spectateur n'aurait pas la même valeur au théâtre. Le recours au public, principalement pour les apartés y est un mode presque usé. Là, on bug, parce que tout à coup on se demande à qui il s'adresse vraiment. En plus ce bref instant de rupture, répété à deux reprises, est trop court pour que l'on puisse se sentir personnellement impliqué.
Je suis aussi troublée par les mains qui deviennent une sorte de métonymie d'Alex. Lui aussi disparaît, seules ses mains qui enserrent le cou du gros (vous trouvez pas qu'il a un faux air de Jack Black?) et qui s'agitent sur ses épaules incarnent le personnage. Sa fébrilité me fait peur!
Or, je suis convaincue que les mêmes gestes ou mouvements dans un plan beaucoup moins rapproché n'auraient pas un tel impact sur moi. Miracle du cadrage!

Par ailleurs trois références postérieures s'imposent: "funny games" de mon autrichien préféré pour le costume blanc des "brothers" que les deux ados se réapproprient à leur façon, pour le club de golf balancé par le leader de la prise d'otage qui remplace la canne d'ALex, et pour leur politesse et expression sophistiquée à la limite de la plaisanterie macabre. Bien sûr la célèbre rupture du "4th wall" est aussi reprise par le control freak Haneke.

Ora(n)ge mécanique

D'abord l'extrait, demain l'analyse (ça c'est du buzz!) :

http://youtube.com/watch?v=wgOirmHQGo4

dimanche 16 mars 2008

désert vert



Je me lance dans une approche de l'ouverture du désert rouge, qui me paraît, au vu de cet extrait, plutôt grisâtre et verre bouteille. A moins que le "red" du titre vienne des reflets vaguement roux des cheveux de LA VITTI?

Que vient-elle faire dans ce paysage industriel désolé, juchée sur des talons qui ramassent la boue et les cendres? Cette rangée d'hommes et de quelques femmes anonymes, marchant comme s'ils allaient à la mine, ne me dit rien qui vaille. Une image tout à coup me reviens du "Lady Chatterley" de Pascal Ferran, où Constance regarde les travailleurs rentrer chez eux, le regard hagard, après une journée dans le charbon. Sauf qu'ici, elle ne semble pas leur prêter attention. Même ces figures enveloppées comme des monuments de Christo n'éveillent pas une seconde son intérêt. D'ailleurs, elles vont et viennent, floutées, et cette colonne humaine l'empêche plutôt d'avancer, créant une sorte de frontière infranchissable (c'est moi qui projette des frontières sur tout?) entre elle et ce personnage qui dévore un sandwhich tout en poursuivant une conversation muette avec un "senior".

La grisaille envahit le champ, et les premières images ont l'air de nous replonger dans un néoréalisme "Italie année 0". Seule la flamme iréellement jaune apporte un ocre bienvenu. Elle réapparaît d'ailleurs à la fin de la séquence. Je me garderai bien d'en déceler une quelconque symbolique!

Quid de l'enfant qui suit cette mère à son rythme, et qui exécute un petit ballet avec une marelle invisible, qui se crée son propre quadrillage et règles à respecter, en bondissant entre des lignes imaginaires? Un plan relativement long se pose sur sa silhouette en pieds, puis il disparaît du champ, et aussi, de la conscience du spectateur, pour revenir tout à coup, dans un plan très général, courant pour retrouver sa mère, qui n'a pas eu l'air de se soucier vraiment de ses whereabouts jusqu'à ce moment là!

La présence du sandwich m'intrigue aussi. C'est un peu l'objet qui permet la communication entre Vitti et le seul personnage avec qui elle ait une forme d'échange. Mon italien de cinéma ne me permet absolument pas de comprendre pourquoi elle insiste pour payer cette miche! Pourquoi s'isole-t-elle ensuite pour croquer sauvagement dans ce "salami-mozarella"? (le camembert-cornichon me paraît inadapté ici!)

Cette balade industrielle me donne envie de poursuivre l'enquête.

lundi 10 mars 2008

history

En revoyant l'extrait, je me suis rendue compte du mimétisme physique entre le "jeune homme" du début et la figure du père idéal incarnée par Peter Morgensen. Du coup, la transition est d'autant plus brutale. Le mimétisme situationnel (ça se dit?) est accentué par le fait que les deux enfants tiennent une peluche, sans que l'accessoire ait pour autant une utilisation spécifique. Il est là pour rappeler leur côté juvénile et vulnérable à mon avis, et mettre encore plus en évidence le parallélisme de leur fragilité. Si l'une est tuée, après avoir été témoin d'un double meurtre, l'autre est encore sous le choc d'une vision onirico- effrayante, dont la monstruosité est peut être encore plus choquante.

Je ne sais pas trop quoi faire du surcadrage en ombre autour de la petite fille, mais il est loin d'être innocent. C'est probablement pour amplifier l'effet d'irréalité, ou montrer que c'est désormais dans le "cadre" de la cellule familiale que l'horreur va se propager. D'ailleurs, l'enfant est tout de suite intégrée au reste de la tribu. La première image que donne Cronenberg de cette famille est d'ailleurs assez étonnante. Le défilé du père, du frère et de la mère est suffisamment rare pour être noté. D'habitude, seule la mère accourt au chevet d'un enfant qui vient de faire un cauchemard. Là, c'est le père qui tente de dissiper l'angoisse de sa fille. On remarque qu' il projette son ombre sur sa fille, qui dit un peu plus loin qu'elle a aperçu des "shadow monsters". Au contraire, la belle Maria Bello arrive pile au moment où l'adolescent évoque la lumière qui empêche les monstres de surgir. Si "Tom Stall" est l'ombre, alors sa femme incarne la lumière? un peu rapide et "black & white" mais difficile de s'empêcher de tomber dans cette allégorie un brin pataude!

Impossible de regarder cet extrait sans s'interroger sur les failles de cette "famille idéale", dont chaque membre se lève au milieu de la nuit pour veiller sur la benjamine.
En tout cas, la situation de départ est brillante, d'un point de vue scénaristique, car elle permet d'introduire chaque personnage au sein de la famille tout en évitant une exposition pénible des liens et circonstances qui les unissent. On rentre directement dans leur intimité, dans l'apparente harmonie de leur rapports. Le père attendri est plein de solicitude , le grand frère ado est exceptionnellement à l'écoute, la mère rejoint ce trio idyllique dans la minute qui suit.
Tout le monde "se hug", et va se recoucher.

samedi 8 mars 2008

history of violence




Voilà, je voulais trouver une scène de réveil. Celle-ci est choc! En gros, il faut attendre 5 bonnes minutes avant de la voir. Regardez bien l'ouverture du film, c'est assez grandiose comme installation. Et ce cut ou quasi "jumpcut" faux raccord est juste fantastique!!!!!

Cronenberg fait monter la pression dès le début avec cette lenteur insupportable, et le fait qu'on n'ait jamais de vrai "close-up" sur les visages des "monstres"!

Je ne vous en dis pas plus et vous laisse découvrir l'extrait.
Je rajouterai mes commentaires plus tard.
Tout ce que je peux vous dire, c'est que j'adore la manière avec laquelle il introduit l'atmosphère familiale. Plus, le cut ensuite sur la boîte aux lettres. (j'ai arrêté de regarder après.)

Si vous avez le temps un jour, regardez le film il est époustouflant!

elephant man (suite)

Ah aussi, j'ai remarqué que le plan d'ensemble sur la chambre au moment des coussins (oui, vrt j'aime ce moment des coussins) était en légère plongée, ce qui donne l'impression d'un certain flottement de la caméra au dessus de la scène. ça peut sembler incompatible avec le fait que le plan soit plutôt fixe! Ce que j'essaie de dire c'est qu'il y a une sensation d'élévation, on l'observe avec distance, sans le moindre misérabilisme, comme si la caméra était placée à hauteur d'un des tableaux ou dessins de la pièce en fait!

elephant man

Je viens de revoir l'extrait, et je tenais à rajouter quelques prolongements.
Je me demandais pourquoi on avait 2 raccords regard sur le dessin d'une personne (un homme?) endormi, paraissant très apaisé. Je suis sûre qu'il y aurait quelque à creuser. Je ne sais pas si vous avez remarqué aussi, mais la première fois le dessin est présenté en plan rapproché, certes, mais comme faisant partie du reste de la pièce, accroché sur le mur, alors qu'après on a un "gros plan" plus soudain. Aussi, on pourrait considérer, que le plan est justifié par la distance entre le dessin et "elephant man", tout bêtement, "il est plus près donc il le voit mieux" mais j'ai l'impression que les deux visions arrivent un peu de manière fragmentées comme si elles venaient perturber son rituel, ou lui rappeler quelque chose.
Any idea?

Sinon, y a un mouvement de caméra que j'adore (j'avoue avoir triché et me l'être repassé plusieurs fois, mais seulement ce moment car il m'intriguait!) c'est quand il se couche et que tout à coup il s'allonge, et la caméra suit ce mouvement, avec je crois, un travelling vertical descendant, et ça paraît tellement fluide, c'est presque comme si en tant que spectateur on l'accompagnait, on le bordait en lui souhaitant bonne nuit! et en même temps on prend tellement conscience de sa solitude! bref, je bug sur ce mouvement, pouvez vous me confirmez que c'est bien ce que j'ai identifié, ou alors c'est du panoramique vertical descendant? Parfois j'ai des doutes débiles pour certains travelling et panoramiques c'est absurde! toute cette histoire d'axe de la caméra....

En revanche, j'ai tellement écouté l'adagio dans toutes sortes de contextes, que je suis complètement incapable de dire quoique ce soit de futé la-dessus. Help! à part pour dire qu'il y a une sorte de pathos mêlé de grande douceur? d'une lenteur déchirante qui accroît notre empathie, notre identification au personnage?

vendredi 7 mars 2008

the big sleep

Il faut que je dorme.
Tiens, si vous avez des idées, on pourrait essayer de trouver les meilleures scènes de sommeil, d'endormissement, d'insomnies et de réveil au cinéma.

Avec comme principaux axes, l'utilisation de la lumière, ambiance nocturne apaisée, angoissée, lumière pâle du matin, étreinte amoureuse ou solitude glauque éclairée dans un kaki orangé....
le son, ou plutôt son absence, le bruit strident du réveil, ou la radio, le vent flippant, etc...

Comme ça de mémoire, je pense au réveil de Roméo et Juliette de Zefirelli, le réveil d'une femme dans "Juliette des esprits" de Fellini (juste vu un extrait) la main de Bill Murray sur le pied de Scarlett Johanson endormie et engourdie de sommeil, superbe plan que je ne saurais plus décrire avec exactitude, une sorte de vague plongée en un court plan fixe, qui clôt la scène. Bill tjs, dans Un jour sans fin et ses multiples et infinis retours à la même journée, démarrant sur les news du jour de la marmotte.
Je suis sûre qu'il y a une foule de scènes beaucoup plus marquantes, inquiétantes et subjugantes!

ah, en youtubant, j'ai évidemment trouvé une pléiade de liens vers "la science des rêves"......

et comment ai-je pu oublier cette scene? Du coup ça me rappelle un autre défi, ne jamais zapper la musique! Je suis une inconditionnelle de cet adagio de Barber!



j'avais complètement écarté de ma mémoire la toute dernière partie, qui a quand même un côté kitsch, hors contexte qui passe mal... Cet surimpression étoilée-médaillon, je ne suis pas particulièrement fan!

En revanche, ce qui me transperce le coeur c'est de le voir prendre chaque coussin, un à un, et les poser délicatement, en suivant une sorte de rituel pour la dernière fois.

Alors, j'ai une question strictement technique ici. Je suis subjuguée par la lenteur du travelling avant, qui nous amène finalement jusqu'à son visage avec une extrême pudeur. C'est aussi la dernière fois que le spectateur va être en contact avec cette tête si "monstrueuse", un peu comme si on disait nous aussi adieu à son visage. Donc, pour moi on est dans le travelling optique ici, une sorte de zoom amélioré qui permet de nous rapprocher petit à petit, de manière furtive et respectueuse, sans troubler ses ultimes instants, non? Ou pour vous c'est un juste un zoom?

Le plan sur les rideaux légèrement entrouverts est incroyable. En surinterprêtant, je "vois" une idée du passage de la vie à la mort avec le mini espace entre les deux parties du rideau, qui forme une sorte de sillon, symbolisant ce passage. Le pan de rideau qui frissonne incarnerait en quelque sorte la lutte pour rester en vie, le coeur qui continue de battre, et quand le rideau s'immobilise en fondu enchaîné, "elephant man" meurt tranquille ?

voilà, j'aurais plein d'autres commentaires et observations sur la scène, mais là il faut que j'éteigne cet engin maléfique.

A vous de jouer, d'enrichir toutes ces propositions!