vendredi 28 mars 2008

nicholas ray of light

J'ai toujours été intriguée par le culte qui entoure les films de Nicholas Ray. Je n'ai jamais vu ne serait-ce que "La fureur de vivre" qui a paraît-il relativement mal vieilli. Du coup, cet extrait des "Amants de la nuit" tombe à pic pour découvrir son univers.



Premières impressions: une voiture qui fonce droit au vent sur le macadam (cowboy), en plongée sur des personnages qui nous tournent le dos. La chemise d'un des passagers voltige avec le vent, et la force centrifuge! J'ai remarqué un cut dans le mouvement puisque la voiture avance jusqu'au bord du cadre, avant de s'engouffrer dans un carrefour, et d'être soudainement poursuivie par un autre véhicule au démarrage du plan suivant.

Mais la course poursuite tourne court. On est pas dans un "western movie" où les chevaux seraient remplacés par des engins mécaniques. L'affontement tourne court pour une raison que je ne m'explique pas vraiment. Je m'attendais à une suite de carambolages, de plans de coupe sur le visage crispé du conducteur, les phalanges accrochées vigoureusement au volant d'un bolide incontrôlable. Je pensais que les autres sortiraient vaillamment leur gun pour riposter, et qu'il y aurait des balles dans le pare-brise, et des dérapages dans un fossé!

L'attaque du type est aussi efficace que fugace. Il est rué de coup (que les bruitages boum boum évoquent avec subtilité...) sous le regard hors champ du personnage que l'on imagine principal.
On se croirait encore sous les strictes directives du code Hays, puisque seul son air désemparé, et le détachement viril des deux acolytes sont censés nous indiquer que le type est mort, ou en tout cas sérieusement amoché. Ils le balancent comme un vieux chiffon à l'arrière de la voiture, et se remettent en route.

Le plan de grue qui tournoie au dessus du grand billboard de la route est majestueux, et découpe cet espace américain à la perfection. La pin-up publicitaire nous replonge dans l'esthétique coca-cola des 50's, et apparaît en plein désert comme une incarnation de la "nouvelle frontière". Dans cet univers uniquement masculin, représenterait-elle la part de douceur vers lequel ils devraient tendre pour abandonner leur sauvagerie? D'ailleurs, le personnage principal ne tombe-t-il pas juste après avoir franchi le panneau, montrant ainsi une forme de vulnérabilité?

D'un point de vue purement scénaristique, on peut cependant se demander si cette chute est authentique, ou si elle était préméditée afin qu'il se retrouve seul pendant que les autres accomplissent leur mission. J'ai d'ailleurs été un peu surprise par leur absence de réaction, d'énervement, et leur facilité à accepter de le laisser en arrière.

Deuxièmes impressions: Le personnage principal enlève son pull, et le jette sur la route, c'est alors que sa chemise attrape le vent. Pourquoi s'en débarrasse-t-il?
Aucune explication ne nous ait fourni pour le passage à tabac du pauvre quatrième larron. Remarque il était déjà assis "à la place du mort" c'était prémonitoire! Seule rationale donnée à cet acte gratuit: "you talk too much". Ironie du sort, il n'a même pas le temps d'éructer un mot pour se défendre, que les deux petites frappes lui tombent à bras raccourcis.

On remarque aussi que le "personnage principal" lui jette à regret un dernier regard avant de suivre les complices. J'ai été particulièrement sensible à l'expression de son visage car à part le moment où il est témoin des coups, l'extrait ne présente que des dos, ou des gens en pieds, vaguement de profil, sans que l'on puisse vraiment déchiffrer leurs traits.

La deuxième fois, j'ai constaté que le plan de grue comprenait surtout un plan général très dépouillé sur un grand champ sur lequel se découpent les silhouettes en marche du trio. Le spectateur est d'abord perturbé car la notion de temps écoulé et d'espace parcouru sont brouillés. Viennent-ils de quitter l'emplacement de la voiture, ou ont-ils déjà parcouru la moitié d'un état? Je penche quand même pour la deuxième solution puisque le "chef" dit à celui qui s'écroule qu'il devrait mettre les phares s'il reste seul.

j'ai aussi remarqué que la Pin-Up est une autre manière de contourner les derniers remparts du code Hays, qui semble être encore en vigueur. Si les actrices devaient éviter de se dévoiler, la photo publicitaire permet de distiller une sensualité trouble sans que la censure ne s'insurge. En effet, telle qu'elle est présentée ici, elle fait intégralement partie du décor, et de ce fait n'est même pas évoquée ou impliquée dans l'histoire.

Enfin, j'ai le sentiment que le pare-brise de la voiture, dans l'angle duquel s'éloignent les 3 compères, devient une réinvention de l'écran de cinéma. En effet, ils semblent marcher dans le lointain, reprenant ainsi les codes du lonesome cowboy quittant les siens pour entreprendre de nouvelles aventures.

D'ailleurs, c'est peut être pour cette même raison que le panneau publicitaire prend tout à coup beaucoup plus d'importance. Il marque la rupture de cet équilibre, et réenferme les personnages.
L'échappée dans l'espace infini des Hautes Plaines (?) est en réalité encadrée par le plan pare-brise précité, d'un côté, et par le billboard de l'autre.

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