dimanche 16 mars 2008

désert vert



Je me lance dans une approche de l'ouverture du désert rouge, qui me paraît, au vu de cet extrait, plutôt grisâtre et verre bouteille. A moins que le "red" du titre vienne des reflets vaguement roux des cheveux de LA VITTI?

Que vient-elle faire dans ce paysage industriel désolé, juchée sur des talons qui ramassent la boue et les cendres? Cette rangée d'hommes et de quelques femmes anonymes, marchant comme s'ils allaient à la mine, ne me dit rien qui vaille. Une image tout à coup me reviens du "Lady Chatterley" de Pascal Ferran, où Constance regarde les travailleurs rentrer chez eux, le regard hagard, après une journée dans le charbon. Sauf qu'ici, elle ne semble pas leur prêter attention. Même ces figures enveloppées comme des monuments de Christo n'éveillent pas une seconde son intérêt. D'ailleurs, elles vont et viennent, floutées, et cette colonne humaine l'empêche plutôt d'avancer, créant une sorte de frontière infranchissable (c'est moi qui projette des frontières sur tout?) entre elle et ce personnage qui dévore un sandwhich tout en poursuivant une conversation muette avec un "senior".

La grisaille envahit le champ, et les premières images ont l'air de nous replonger dans un néoréalisme "Italie année 0". Seule la flamme iréellement jaune apporte un ocre bienvenu. Elle réapparaît d'ailleurs à la fin de la séquence. Je me garderai bien d'en déceler une quelconque symbolique!

Quid de l'enfant qui suit cette mère à son rythme, et qui exécute un petit ballet avec une marelle invisible, qui se crée son propre quadrillage et règles à respecter, en bondissant entre des lignes imaginaires? Un plan relativement long se pose sur sa silhouette en pieds, puis il disparaît du champ, et aussi, de la conscience du spectateur, pour revenir tout à coup, dans un plan très général, courant pour retrouver sa mère, qui n'a pas eu l'air de se soucier vraiment de ses whereabouts jusqu'à ce moment là!

La présence du sandwich m'intrigue aussi. C'est un peu l'objet qui permet la communication entre Vitti et le seul personnage avec qui elle ait une forme d'échange. Mon italien de cinéma ne me permet absolument pas de comprendre pourquoi elle insiste pour payer cette miche! Pourquoi s'isole-t-elle ensuite pour croquer sauvagement dans ce "salami-mozarella"? (le camembert-cornichon me paraît inadapté ici!)

Cette balade industrielle me donne envie de poursuivre l'enquête.

1 commentaire:

Mirlaine a dit…

ça y est, le propice a enfin rencontré ma montre et j'ai vu ta séquence au lu de ton analyse.

là encore je n'ai pas vu le film.
au fait, un prognostique discursif pour le concours : à tous les coups ça va tomber sur un Antonioni (pour faire du pied au Bergman de l'année dernière), mais ça pourrait aussi être un petit Resnais. qu'en pensez vous ? En 2006 c'était Tigres et Dragons...

difficile donc d'analyser cet extrait hors contexte; pour ma part le paysage industriel m'évoque vaguement les hallucinations surréalistes de Ulrike Ottinger en pleine usine à gaz berlinoise.

En plus de ce que tu dis, je note l'impression d'errance que dégage cette belle Ritale avec son fiston. Elle est d'emblée assimilée à une intruse par son vêtement vert, qui tranche avec le noir du fleuve humain qui lui barre le passage (j'ai moi aussi clairement vu une frontière!). Les personnages affublés de ce parka transparent, qui risque fort de revenir à la mode d'ici l'inondation de Paris en 2010, ressemblent à de vrais poissons une fois floutés. Je me demande si Antonioni ne fait pas carrément référence à la rivière Stix. Le banc des travailleurs est sombre, et le noir c'est quoi sinon l'absence de couleur, et donc de vie? La Vitti, de son côté, porte la couleur de l'espoir, et va d'ailleurs se réfugier dans des plantes pour donner libre cours à son instinct de vie : manger. La Vitti = la Vita ?

Elle hésite à franchir le fleuve humain pour aller chercher sa nourriture comme elle aurait hésité à aller retrouver un ancien amant. D'ailleurs la plongée sur l'enfant qui succède, après qu'elle l'ai délaissé, ne contiendrait-elle pas un clin d'oeil à l'Œdipe?